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La photométrie

Le photomètre Optec SSP-7 attaché au C14 installé à Angelo State University, Texas.

écrit en collaboration avec Russell M.Genet, IAPPP, Orion Observatory

Caractéristiques des photomètres

Le principe du photomètre, tout comme celui d'un photomultiplicateur, réside dans la transformation de l'énergie lumineuse en courant électrique : un faisceau lumineux, en frappant une photocathode chargée négativement, peut s'il est d'énergie suffisamment élevée en chasser les électrons de la surface qui seront attirés par l'électrode positive, l'anode, en faisant apparaître un courant photoélectrique que l'on mesurera avec soin sur un galvanomètre ou de façon digitale.

Le courant photoélectrique est directement proportionnel au flux lumineux incident mais le rendement est toujours inférieur à 50%. Il faut noter que la sensibilité et la répartition spectrale de celle-ci ne change presque pas au cours du temps.

Les photomètres utilisés en astronomie ont une structure chimique particulière. Les photocathodes modernes sont élaborées à partir de métaux et semi-conducteurs constitués de césium et d'oxyde de silicium. Il n'existe pas de photocathode sensibilisée au-delà de 1250 nm, dans l'infrarouge lointain.

A consulter : Les différentes générations de tubes photoamplificateurs

De nombreux photomètres performants, très perfectionnés sont accessibles aux amateurs. L'un d'eux, l'ancien modèle SSP-3 de Optec (connu à l'époque sous le nom de DOAA Enterprises) est particulièrement complet et d'un prix abordable ($500). D'autres firmes proposent également ce type d'instrument dont Thorn-EMI-Gencom, Inc.

Etudions l'un de ces instruments en détail de façon à bien comprendre son fonctionnement et son utilité.

Le photomètre Optec SSP-3 fixé sur un Celestron C8.

Conçu exclusivement pour mesurer la lumière stellaire, le SSP-3 analyse les rayonnements standards : UBVRI, ou les treize couleurs dans le système à bande passante étroite (Johnson et Mitchell, 1975). Bien que la majorité des photomètres utilisent un tube photomultiplicateur qui exploite le phénomène de l'émission secondaire, le modèle SSP-3 utilise un détecteur au silicium qui permet de travailler de l'UV (300 nm) au proche IR (1100 nm) avec un pic à 850 nm. 

Mieux, ce photomètre offre les avantages suivants :

- Sécurité : Il n'utilise qu'une batterie rechargeable au CdNi de 9V alors que les tubes photomultiplicateurs demandent souvent plus de 1000 V ou sont alimentés sur le secteur.

- Ergonomie : Aucun dommage ne s'en suit lorsqu'il est exposé à un rayonnement très lumineux ou lorsqu'il est mal traité, et plus intéressant encore pour l'amateur, il ne nécessite aucun apprentissage d'utilisation qui est souvent le lot des instruments perfectionnés.

- Affichage : L'affichage est digital et s'affiche sur quatre positions

Pour l'analyse stellaire, le SSP-3 dispose d'un ensemble de 5 filtres Schott qui permettent d'effectuer des observations photométriques dans différentes longueurs d'ondes précises. Les filtres UBVRI permettent donc de travailler tant en astronomie infrarouge qu'en colorimétrie (mesure de l'intensité des couleurs des étoiles) ou pour mesurer les températures des étoiles.

Dans le mode photovoltaïque ce détecteur UV n'a pas de courant d'obscurité et sa réponse est linéaire, même à saturation (< 1% d'erreur !).

En général le seuil de détection est limité par le bruit thermique généré par l'activité des composants (photodiode, courant amplifié,...). Ces sources d'erreur sont en fait tributaires de la température ambiante : nous pourrons par exemple abaisser le seuil de détection jusqu'à 3 magnitudes en refroidissant l'enceinte sous 0°C.

A gauche, les courbes spectrales des filtres UVBRI standards. A droite, réponse spectrale d'un détecteur CCD KAF-1600 muni de filtres BVRI Johnson.

Applications

Les amateurs peuvent réaliser des observations photométriques en appliquant notamment cette technique à l'étude des étoiles variables.

Vous sélectionnez l'étoile à mesurer, ainsi qu'une étoile de comparaison proche offrant une magnitude connue et une couleur spectrale similaire dans l'atlas de l'AAVSO. Après avoir effectué les deux mesures au moyen du détecteur, la grande linéarité de ces systèmes permet d'appliquer l'équation standard :

M1 - M2  =

 2.5 log L2 / L1

avec,

M1 la magnitude apparente de l'étoile de comparaison

M2 la magnitude apparente de l'étoile à mesurer

L1 la lecture photométrique de l'étoile M1

L2 la lecture photométrique de l'étoile analysée.

Un exemple. Pour une étoile de comparaison de magnitude 4.3, la lecture est de 16.9 sur l'échelle "25" sélectionnée. L'étoile variable donne 8.1 sur l'échelle "10". La magnitude de cette étoile est donc :

M2 =

 M1 - 2.5 log L2 / L1

=

 4.3 - 2.5 log 8.1 / 16.9

M2 =

 5.1

Des mesures plus précises, où la couleur influence l'analyse, où les objets de comparaison ne sont pas de même couleur demande d'affiner ces facteurs.

Lorsque la magnitude absolue d'une étoile est connue, il est ensuite aisé à partir du module de distance de connaître sa distance réelle. Cette technique s'applique en particulier à l'étude des supernovae et dans un autre cadre à l'évaluation du diamètre des astéroïdes comme je l'explique dans la page consacrée au calcul des magnitudes et distances.

Vous pouvez également utiliser les filtres photométriques B et V pour construire le diagramme H-R des Pléiades par exemple, un exercice assez simple qui ne demande que deux prises de vues et quelques heures de travail.

Photométrie cométaire

Pour ceux d'entre vous qui êtes passionnés par l'étude des comètes, la photométrie est votre alliée. Il existe en effet sur le marché des filtres interférentiels conçus pour la recherche des radicaux nitriles (CN), C3, C2 et C dans la coma et la chevelure de poussière et de gaz qui suit les comètes à peu de distance du périhélie. La découverte d'éventuelles traces de ces matériaux organiques sera pour les astronomes un premier espoir dans leur longue quête pour trouver une forme de vie dans l'univers, mais offrirait surtout la possibilité de découvrir dans notre système solaire une ébauche de la vie, prologue à un développement plus complexe ultérieur.

Selon le constructeur, ces filtres vendus au diamètre standard de 25 mm ne présentent pas une qualité optique suffisante pour servir à une observation visuelle.

Proposés dès 1979 par l'IAU avec une participation de la National Science Foundation, ces filtres sont disponibles dans les instituts d'exobiologie pour un prix de $350 l'unité. Le set complet rassemble aujourd'hui 6 filtres qui se verront bientôt complétés par quelques autres, centrés sur d'autres radicaux organiques.

Emission

Fréquence (Å)

Bande passante (Å)

Sujet d'observation

Continu

3650

100

Général

CN

3870

50

Coma

C3

4060

70

Coma

Continu

4850

100

Général

C2

5125

125

Coma

CO+

3500-4240

-

Chevelure

L'absorption interstellaire

En regardant la photographie d'une nébuleuse chaotique, mêlant subtilement régions brillantes et nuages obscures de haute densité, on comprend facilement que les poussières interstellaires (solides) éteignent la brillance des étoiles. Le plus bel exemple réside dans la photographie de la Voie Lactée en lumière bleue ou UV qui montre relativement peu d'étoiles alors que dans le rayonnement rouge et IR nous enregistrons en général deux fois plus d'étoiles.

Composite IR-RGB de M42 réalisé par Okano Kunihiko.

Cette absorption ou extinction interstellaire est donc plus importante en bleu qu'en rouge, la poussière absorbant de façon sélective les rayonnements de courte longueur d'onde.

Nos mesures sous filtre U (ultraviolet, pic à 365 nm) seront donc surestimées vis-à-vis des mesures réalisées sous filtre jaune (V) ou rouge (R).

En effet, l’absorption fait que l’indice de couleur des objets distants paraît plus rouge qu’il n’est réellement (excès de couleur). A cela s’ajoute l’extinction atmosphérique en bande X, U et IR. Au final, la lumière bleue étant plus atténuée que la rouge, cette extinction rend les objets plus rouges.

Cette extinction s'applique également à l'absorption interne des galaxies : peu importante lorsqu'une galaxie est vue de face, elle peut atteindre une magnitude pour une galaxie vue de profil.

Cette extinction se ressent surtout à de très longues distances, et s'explique par l'accumulation de la poussière dans notre ligne de visée. Ces poussières s'échauffent en absorbant le rayonnement UV et rayonnent en infrarouge, d'où cette forte émission sur les émulsions sensibles au rouge et proche infrarouge, telle l'image de M42 présentée à gauche.

Nous pouvons corriger les mesures photométriques en appliquant un facteur correctif égal à 0.72 qui se calcule comme suit :

Excès (B-V) = (B-V)obs - (B-V)vrai

Excès (U-B) = (U-B)obs - (U-B)vrai

d'où on tire la relation:

Excès (U-B) = 0.72 Excès (B-V)

Mais tous les astronomes n'acceptent pas cette formule qui est sous-estimée pour certains. Selon les méthodes, la marge d'erreur peut atteindre 32% sur l'estimation de la luminosité.

En bande V, cette absorption interstellaire peut dépasser 1.8 magnitude/Kp. Elle atteint un maximum vers 90 Å où l'extinction atteint quatre magnitudes. L'infrarouge est quasi libéré de cet effet.

A gauche, variation de la luminosité apparente de l'astéroïde Junon mettant en évidence sa période de rotation. A droite, magnitudes photométriques des principales étoiles de référence dans la galaxie M51. Documents Yoichi Itoh et ISN.

Les occultations

La photométrie s'intéresse également aux occultations des étoiles par les astéroïdes ainsi qu'aux occultations lunaires rasantes et appulses, deux champs d'études dont l'IOTA (International Organization of Timing Association) s'est fait une spécialité qui permettent de préciser les paramètres orbitaux et les profils des corps célestes occulteurs. Dans les régions polaires de la Lune des dénivellations d'une dizaine de mètres peuvent ainsi être mis en évidence. Enfin, cette technique permet également de découvrir des étoiles doubles très serrées avec des séparations angulaires de l'ordre de 0.01", séparation trop petite pour être observée visuellement et trop grande pour être décelée par spectroscopie.

Cette activité particulière est fortement encouragée par les professionnels qui trouvent ainsi en l'amateur une aide non négligeable et fort appréciée. Pour avoir une valeur scientifique les mesures doivent non seulement être forts nombreuses mais surtout précises; la photométrie offre ces deux avantages.

MM.Genet et Nye espèrent que de nouveaux amateurs collaboreront à l'avenir à ces programmes de recherches qui leur dévoileront un nouvel aspect de l'astronomie. Les lecteurs intéressés par cette activité peuvent contacter les organisations précitées pour obtenir plus de renseignements.

Le dobson de 1.5 m de diamètre fabriqué en 2012 par Russ Genet.

A propos de l'auteur

Le Dr Russel M. Genet est né en 1940. Il est chercheur, enseignant et astronome expert dans l'analyse photométrique et les étoiles binaires à éclipse à courte période de type W-Uma. Il travailla à l'Université Polytechnique de Californie.

Russ Genet fonda l'Observatoire Fairborn en 1979 puis travailla au Mont Hopkins jusqu'en 1993 dont il fut aussi le directeur. Il travailla également sur les systèmes de guidages des fusées, comme analyste en mathématique et sur les télescopes robotiques. Il créa le magazine IAPPP Communication sur la photométrie et publia 12 livres sur des sujets aussi variés que la photométrie, la supernova 1987A, le contrôle des télescopes, la théorie de l'évolution, l'évolution des religions ou les télescopes Alt-Az. Il fut président de l'Astronomical Society of the Pacific et fonda en 2004 l'Observatoire Orion. Il fabriqua également un télescope dobsonien de 1.5 m de diamètre.

Pour plus d'informations

Sites Internet

Orion Observatory, Russel M. Genet

Radiometry and photometry in astronomy

Stellar magnitude (magnitude en lumens, Optronic Laboratories, Inc)

International Supernovae Network (ISN)

Interstellar extinction (chapitre I et V, PDF)

Photometry Reference Images, ISN

IAPPP

AAVSO

IOTA

Baader

Optec

Livres

Photoelectric Photometric of variable stars, D.S.Hall/R.M.Genet

Photoelectric UBV observation of RR Lyrae variable stars, H.L.Johnson

Software for Photoelectric Photometry, S.Ghedini

UBVRIJKL Photometry of Bright Stars, Johnson et.al., Commun. Lunar and Plan. Lab., 4, 99, 1966

AAVSO Variable Star Atlas, AAVSO

Electronics Oriented Astronomy, J.Standford, 1986, ASP

Variable stars and stellar evolution, Sterwood/Plavt

The Yale bright Star catalog, Hoffleit

SAO Star Atlas, SAO

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