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Météorologie élémentaire

Front nuageux ondulant sur la façade est des Andes au coucher du Soleil photographié par James Lovell au cours de la mission Gemini 7 en décembre 1967.

Les masses d'air et la circulation générale (I)

Tout système visant à simuler le mouvement général de l'air autour de la Terre doit nécessairement se baser sur des conditions moyennes. Les irrégularités dans la configuration des courants atmosphériques que l'on observe sur les cartes journalières du temps font souvent perdre toute signification réelle à cette circulation générale.

Aussi compliquée et inconstante que soit la circulation journalière, il est cependant intéressant de définir une circulation générale, caractéristique du transport moyen de l'air autour du globe terrestre.

Ce transport répond en effet à une nécessité de transfert de chaleur de l'équateur vers les pôles, ainsi que nous allons le démontrer.

Nous avons vu dans le chapitre consacré à la température que pour une année et pour l'ensemble du globe terrestre, la quantité d'énergie reçue du Soleil est égale à la quantité d'énergie renvoyée par la Terre dans l'espace.

Si on calcule la moyenne pour une année on constate que toute la région de la Terre comprise entre les latitudes de 30° à 35° N et S est caractérisée par un gain d'énergie rayonnante alors que les régions situées à des latitudes supérieures accusent un net déficit.

Un transport de chaleur de l'équateur vers les pôles est donc nécessaire sans quoi la température serait très élevée à l'équateur et très basse aux pôles.

Abstraction faite des périodes géologiques ou des fluctuations de moindre importance, les températures observées restent d'année en année approximativement inchangées et résultent donc d'un équilibre formé par les échanges radiatifs auxquels se superpose un flux de chaleur de l'équateur vers les pôles. A long terme cependant, l'effet de serre provoqué par la combustion des énergies fossiles et la libération de leurs résidus dans l'atmosphère risque de déséquilibrer dangereusement ce thermostat naturel.

Photo de l'Europe occidentale prise le 31 janvier 1999. Document Eyeglobe.

Ce flux de chaleur de l'équateur vers les pôles ne peut être que du type convectif-advectif (c'est-à-dire accompagné d'un transport de masse), les autres modes de transfert (rayonnement et conduction) étant complètement négligeables pour le transport horizontal de chaleur (faiblesse du gradient horizontal de température, mauvaise conductibilité des roches, etc).

Les milieux susceptibles d'un transport de masse sont les océans d'une part, l'atmosphère d'autre part.

Pour l'Atlantique Nord les courants marins (dont le Gulf stream est de loin le plus important) transportent au maximum 10% de la chaleur, l'atmosphère doit donc répondre des 90% restants. Au-dessus des continents les courants atmosphériques représentent le seul moyen de transport. On peut donc dire que pour l'ensemble de la Terre, la majeure partie est transportée par l'atmosphère. Celle-ci agit comme une gigantesque machine thermique, dont la source chaude se situe dans une large ceinture enveloppant les régions équatoriales et pour laquelle les régions polaires jouent le rôle de source froide.

Cette machine thermique (dont le rendement est très faible) transforme l'énergie potentielle représentée par les différences de chaleur (chaleur reçue à la source moins chaleur cédée à la source froide) et énergie cinétique des courants atmosphériques caractéristiques de la circulation générale.

La circulation générale n'est cependant pas régie uniquement par des considérations d'ordre thermique. D'autres conditions, dont la description sort du cadre de ce dossier, interviennent également.

La circulation générale est un système de courants extrêmement complexe et encore mal connu à ce jour. En effet, toute étude théorique du système doit se baser sur des observations en surface et en altitude à l'échelle mondiale, échelonnées sur plusieurs années. Ce matériau de première importance manque encore à ce jour, surtout dans les régions polaires. Aussi, nous limiterons-nous à une description schématique du système.

Le modèle de la circulation générale

Introduction

Comment se présente globalement la circulation atmosphérique ? Faute d'étude in situ et de moyens techniques adéquats, il y a plus d'un siècle personne ne pouvait répondre à cette question. C'est Sir Hadley qui fit le premier l'hypothèse que les vents circulant autour de la Terre pouvaient être créés suite aux transferts de chaleur entre les régions polaire et équatoriale. Il proposa un modèle convectif constitué d'une seule cellule.

Mais la Terre ne présente pas une telle circulation, contrairement à Vénus par exemple. La principale raison est liée au mouvement angulaire de la Terre qui est une quantité qui se conserve (à l'image d'une patineuse qui tourne sur elle-même qui verra sa vitesse de rotation augmenter si elle rapproche les bras de son corps) :  A = mvr, avec m la masse, v la vitesse de rotation et r le rayon de rotation. 

Considérons une particule se déplaçant de l'équateur vers le pôle Nord. Si sa masse reste constante, comment évolue la vitesse de la particule ? Pour répondre à cette question appliquons la loi de conservation du moment angulaire. On observe que cette loi empêche la formation d'une seule cellule atmosphérique entre l'équateur et le pôle et crée au contraire un déplacement des masses d'air vers l'est dans l'hémisphère nord donnant naissance à trois cellules.

En première approximation l'atmosphère terrestre présente une circulation tricellulaire. En réalité les bandes de hautes et basses pressions préditent par le modèle tricellulaire dévient de la configuration zonale en raison de la chaleur différentielle de la surface terrestre et des effets liés à la topographie.

Le modèle de la circulation générale sur lequel travaille aujourd'hui les scientifiques est constitué de 3 cellules :

- Une cellule de Hadley

- Une cellule de Ferrel

- Une cellule polaire

La cellule de Hadley

Il s'agit d'une cellule thermique caractérisée par une expansion ascendante près de l'équateur et divergeant en altitude vers les pôles (anticyclone). Cette zone convective crée une région de basses pressions appellée la Zone de Convergence Intertropicale (ITCZ), également dénommée le front intertropical. Cette zone provoque en réaction un courant de subsidence à 30° de latitude qui converge vers l'équateur en surface; ce sont les alizés ("trade winds").

La cellule de Ferrel

C'est une cellule thermique indirecte qui assure la circulation de l'air entre la haute pression subtropicale et la dépression subpolaire.

La cellule Polaire

Il s'agit d'une cellule thermique qui résulte du flux polaire orienté d'Ouest en Est.

Voyons à présent la structure détaillée de ce modèle atmosphérique tricellulaire.

Description de la circulation générale

Ainsi que nous l'avons expliqué dans le chapitre consacré à l'atmosphère, cette dernière représente une couche extrêmement mince en comparaison avec les dimensions de la Terre. Il semble donc raisonnable d'étudier d'abord les mouvements horizontaux; les mouvements verticaux résultent alors d'une nécessité de compensation (principe de la conservation des masses). De plus, nous savons que dans l'hémisphère nord les vents soufflent toujours en laissant les hautes pressions à droite (loi de Buys-Ballot). Aussi, toute description de la circulation de l'air commence-t-elle par une description de la répartition des pressions.

Les champs de vent et de pression représentés ci-dessous déterminent la circulation horizontale de l'air autour du globe terrestre. Ces mouvements sont très variables mais certaines variations sont tout à fait prévisibles.

Les ondes de Rossby

Dans la partie septentrionale de l'hémisphère nord, cette circulation suit, d'ouest en est, la sinuosité créée par le côtoiement de l'air arctique et continental ce, tant dans les basses couches qu'en altitude. En considérant une hémisphère complète, le déplacement des crêtes et des creux donne naissance à ce qu'on appelle une onde de Rossby qui délimitent le front polaire et influencent donc le temps. Le globe terrestre est ainsi généralement encerclé par 3 à 7 ondes de Rossby. Notons que des ondes de Rossby ont également été découvertes dans les océans et même sur le Soleil.

Ces ondes de Rossby sont le résultat de l'écoulement des fluides en fonction des variations de la force de Coriolis. Elles furent découvertes dans les années 1920 par le physicien suédois Carl-Gustaf Rossby (1898-1957).

A voir : Rossby waves and extreme weather

A voir : Earth, la situation météo en 3D calculée toutes les 3 heures

Consultez le blog pour la courte revue de ce projet créé par C.Beccario

A gauche et à droite, des modèles de l'atmosphère pour les basses couches et le niveau 500 hPa. Notez la présence de la sinusoïde de Rossby dans la région subpolaire. Au centre, un exemple d'onde de Rossby. Cliquer sur les modèles pour les animer (GIF de 434 et 1 MB). Documents NOAA-CDC.

Au niveau de la mer

En étudiant la répartition moyenne de la pression, on constate que la troposphère est segmentée en plusieurs systèmes et courants :

- un centre anticyclonique au pôle

- une dépression subpolaire à 60° N

- un anticyclone subtropical à 30° N

- une convergence intertropicale près de l'équateur (ITCZ)

A cette répartition correspond une circulation générale en surface, ainsi caractérisée :

- des vents d'est polaires, du pôle jusque 60° N, ou courant polaire d'est

- des vents d'ouest de 60° N à 30° N, ou courant tempéré d'ouest

- des vents de secteur est, entre 30° N et l'équateur, dits alizés; ils soufflent du nord-est dans l'hémisphère nord, et du sud-est au sud de l'équateur. Ils donnent naissance à la zone de convergence intertropicale.

Les secteurs interzones, où le vent est faible, s'y détachent tout aussi clairement :

- près du pôle Nord,

- les calmes subtropicaux,

- les calmes équatoriaux ("doldrums") ou "pot-au-noir", ainsi baptisé en raison des nuages épais et des pluies abondantes que connaît cette région.

Ainsi que nous l'avons expliqué dans le modèle tricellulaire, l'anticyclone du pôle Nord est un anticyclone thermique qui n'existe que dans les basses couches où il agit comme une zone de divergence.

La ceinture des anticyclones subtropicaux agit comme zone de divergence, tandis qu'une autre zone de convergence (aux latitudes moyennes) donne naissance au front polaire.

La circulation atmosphérique générale. A gauche, les zones de circulation en surface, à droite en altitude. Au centre une vue tridimensionnelle dans l'espace. Les grandes zones de circulation correspondent respectivement du pôle à l'équateur, à la cellule polaire, à la cellule de Ferrel et à la cellule de Hadley. Elles participent au cycle d'évaporation-condensation de l'eau.

En ajoutant les courants verticaux (ascendance dans les régions de convergence, subsidence dans les régions de divergence) nous obtenons une circulation fermée et retrouvons le modèle tricellulaire, telle qu'il est présenté de manière tridimensionnelle sur la figure centrale ci-dessus. La seule circulation méridienne superposée à la circulation zonale ne peut cependant expliquer la totalité du transfert de chaleur. Aux latitudes moyennes, les perturbations frontales jouent un rôle important dans l'échange de chaleur autant par les poussées chaudes vers le nord que par les invasions froides atteignant la ceinture des anticyclones subtropicaux.

En altitude

- le glacial centre anticyclonique polaire s'affaiblit en altitude pour devenir à 700 hPa une dépression qui s'intensifie graduellement

- chaud, l'anticyclone subtropical fait de même.

Il en résulte autour de la dépression polaire en altitude, une circulation cyclonique zonale d'ouest.

Près de l'équateur, au sud de l'anticyclone subtropical, cette circulation se transforme en courant d'est.
Quant au courant tempéré d'ouest, il s'intensifie lui aussi jusqu'à la tropopause, puis diminue dans la stratosphère.

Ainsi on peut conclure que dans les régions soumises à la circulation d'ouest, c'est au niveau de la tropopause que les vents d'ouest atteignent leur vitesse maximale. C'est en effet à cet endroit que l'on trouvera le courant violent du jet stream.

Schéma de la circulation des vents dans les alizés de la région intertropicale. Document T.Lombry.

Régime tropical

On appelle régime tropical les cellules de Hadley (zones de convection) qui existent entre 30° N et 30° S. Au niveau de la mer, ce régime comprend les alizés et les calmes équatoriaux.

- Au niveau de la mer, les alizés se dirigent vers la zone très instable de convergence intertropicale dans leur trajet vers l'équateur, ils absorbent chaleur et humidité.

- Sous l'effet combiné de cette convergence et des nombreux courants convectifs de cette région, l'air humide et instable de la zone intertropicale est projeté en altitude.

Il en découle la formation d'importants cumulonimbus, dont les sommets dépassent parfois la tropopause et atteignent 18000 m (54000 pieds). Comme ces sommets perdent de la chaleur par rayonnement, il s'ensuit un maintien de l'instabilité et, par conséquent, de la convection. De surcroît, la chaleur latente libérée au moment de la condensation participe directement à l'augmentation de la poussée ascendante. 

Vous trouverez plus de détails dans l'article consacré à la météorologie tropicale.

Circulation générale stratosphérique

L'Oscillation Quasi Bisannuelle, QBO

Si chacun connaît les régimes des vents troposphériques, il existe également une circulation générale stratosphérique qui se manifeste par un changement de la direction des vents zonaux qui affecte principalement le régime des vents dans la région équatoriale entre les latitudes 12° N et 12° S.

En 1883, suite à l'explosion du volcan Krakatoa, les observateurs remarquèrent que les fumées qui avaient atteint la stratosphère se déplaçaient d'ouest en est. Plus tard, des ballons météos enregistrèrent des vents stratosphériques soufflant du secteur est. Au fil du temps, on a constaté que l'alternance commence dans la basse stratosphère vers 30 km d'altitude et se propage jusqu'à la tropopause où l'amplitude de l'oscillation s'annule vers 23 km d'altitude. Arrivé à cette phase dite négative, les vents viennent de l'est et on observe des températures plus chaudes. La phase positive de vents d'ouest est associée à des températures plus froides. La progression verticale est voisine de 1 km par mois. Finalement, les scientifiques constatèrent que la direction des vents s'inversait périodiquement sur une période d'environ 28 mois. Ils ont appelé ce phénomène l'Oscillation Quasi Bisannuelle, QBO abrégée en anglais.

Ci-dessus, progression de la QBO (Oscillation Quasi Bisannuelle) au niveau 30 hPa entre 1955 et 2001. Les vent soufflant d'ouest (phase positive de la QBO) sont indiqués en rouge, les vents d'est (phase négative) en bleu. Ci-dessous, évolution de la QBO en fonction de la pression atmosphérique et de la force du vent dans la basse stratosphère entre 20 et 35 km d'altitude entre 1981 et 1991. Mêmes attributions des couleurs. Document Freie Universitaet Berlin.

La phase de la QBO semble influencer le transport de l'ozone, de la vapeur d'eau et de la pollution dans la haute atmosphère ainsi que la production de cyclones. Ainsi la fréquence des cyclones tropicaux tend à augmenter lorsque les vents de la QBO soufflent d'ouest. Le refroidissement observé pendant la phase Est de la QBO s'explique par sa forme plus ondulée à grande échelle marquée par un affaiblissement du jet stream aux latitudes moyennes, propice aux invasions d'air arctique en hiver.

Notons que Jupiter présente le même phénomène qui est appelé l'Oscillation Quasi Quadrénniale ou QQO car elle dure environ quatre années terrestres et Saturne présente aussi sa propre version de ce phénomène.

Les vortex stratosphériques polaires

Enfin, il faut y ajouter les vortex stratosphériques polaires (nord et sud) associés à un courant jet polaire. Lorsqu'il disparaît à la fin de l'hiver ou au début du printemps dans l'hémisphère nord, on observe une disparition temporaire du vortex polaire qui provoque un réchauffement stratosphérique au cours duquel la hausse de température de l'air peut atteindre environ 50°C en quelques jours.

Autres oscillations à grande échelle : NOA, MJO et DPO

Pour mémoire, citons également l'Oscillation Nord-Atlantique ou NAO qui participe aux variations climatiques en Europe et indirectement dans la région équatoriale en affectant les régimes des vents et la température de l'air. Parmi les effets significatifs sur le climat en Europe, la NOA fut positive (vents d'ouest) entre l'hiver 1999 et début 2000 avec un hiver doux mais avec des tempêtes très violentes en Europe alors que la NOA fut négative (vents d'est) entre 2009-2010 avec un hiver rigoureux en Europe.

Notons que la NOA est très complexe et est influencée par d'autres cycles dont les oscillation locales d'El Niño et de La Niña et globale de l'activité solaire. A ce jour, les climatologues n'ont pas encore déterminé la durée du cycle de la NOA malgré plus de 150 ans d'observations.

A gauche, progression de l'indice NAO (Oscillation Nord-Atlantique) entre 1864 et 2017. A droite, évolution saisonnière de la MJO (Oscillation de Madden-Julian) entre 30° N et 30° S. Document UCAR et NOAA.

Ensuite, il y a l'Oscillation de Madden-Julian ou MJO qui est une oscillation cyclique de la troposphère affectuant le régime des nuages et des pluies le long de l'équateur (30° N à 30° S) dont la période est comprise entre 30 et 90 jours et qui se déplace entre 4 et 8 m/s. Elle est également influencée par le régime des Moussons. Bien que localisée dans la région équatoriale, la MJO influence le régime des vents et donc le climat dans l'Atlantique Nord en hiver.

Citons enfin l'Oscillation Décennale du Pacifique ou PDO qui est une variation cyclique de la température de la surface de la mer spécifique au bassin de l'océan Pacifique. La DPO influence la trajectoire des systèmes météorologiques de manière cyclique sur une période de plusieurs décennies, avec un cycle moyen d'environ 20 ans. Ses effets effectent le climat dans la région équatoriale mais également en Amérique du Nord, en particulier sur la façade Pacifique avec des périodes où la température de l'eau en surface entre la Guinée et la Californie chute de 5°C.

Deuxième partie

Les masses d'air

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