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La chimie du silicium Introduction Après la découverte de raies moléculaires dans l'espace et la possibilité de contamination extraterrestre, le "super laboratoire" cosmique semble réunir les conditions d'une nouvelle chimie. Mais peut-être pas celle du carbone. Il y a aussi le silicium qui présente une possibilité que nous ne pouvons pas écarter, de même que le germanium bien que ses atomes soient déjà beaucoup plus lourds. Cette biochimie est viable, car comme le rappelle Peter Rona, géophysicien de la NOAA "il y a bien des fabriques métalliques au fond des océans." Et il ne parlait pas des nodules polymétalliques, mais bien des micro-organismes capables d'assurer la chimiosynthèse ! Là aussi les éléments sont réunis permettant une chimie toute différente. Le carbone qui est l'ossature de nos molécules serait remplacé par son homologue le silicium, où l'azote qui est l'un des atomes essentiels du métabolisme terrestre - il permet de fixer l'oxygène que nous respirons sur les globules rouges qui les transportent au travers de l'organisme - serait remplacé par le phosphore et où l'eau si particulière par ses propriétés serait remplacée par l'ammoniac, lequel contient 3 hydrogène (NH3), dont le rôle peut-être analogue à celui de l'hydrogène de l'eau.
Le silicium est mieux adapté que le carbone aux hautes températures et se trouve abondamment dans l'écorce terrestre (jusqu’à 28%) sous forme de silice ou de silicates, à l'état solide, fluide ou résineux. Pourquoi alors le carbone l'emporta-t-il sur Terre ? Aux basses températures, la structure du silicium est très stable et se prête facilement au stockage de l’information. Mais par -220°C les réactions chimiques sont fortement ralenties. A des températures plus raisonnables, les propriétés chimiques du silicium ne permettent pas une structure moléculaire aussi variée que celle du carbone et le stockage de l'information s'affaiblit. Toutefois on retrouve des molécules de silicium dans l’enveloppe infernale des étoiles géantes, à plus de 2000°C pour le SiS, alors que le CN par exemple ne dépasse pas la limite des 50°C.
Echangeant difficilement ses électrons, le silicium n'est pas utilisé dans les échanges entre cellules. Il refuse souvent de s'associer avec les autres atomes. Le silicium n'est pas non plus soluble dans l'eau, qui ne peut alors jouer son rôle de dissolvant en libérant l'oxygène. Enfin, il se trouve dans l'univers en quantité dix fois plus faible que le carbone. Son abondance chute à 7% dans le système solaire. Les particules ionisantes ont dès lors moins de chance d'entrer en collision avec les molécules de silicium que de carbone. Comme le disait Kékulé, "ce qui caractérise le carbone et lui donne cette place unique dans le monde vivant c’est sa tétravalence. Il a le pouvoir de former quatre liaisons avec d’autres atomes. Lorsque les atomes de carbone sont unis deux par deux ils forment une chaîne qui se referme sur elle-même en formant un cycle." Dans l'espace, une onde de choc sur des composés prébiotiques en présence d'eau donne, dans plus d'une réaction sur trois, des acides aminés. Finalement, malgré une abondance relative du silicium dans l'espace, seules 4 molécules ont été découvertes, SiO, SiS, SiC2, SiH4, mais ces composés sont trop élémentaires pour engendrer d'autres structures ayant les propriétés des molécules organiques. Sur Terre, seules les prêles de nos forêts (la queue de cheval), les diatomées et les radiolaires qui évoluent dans l'eau construisent leur structure externe avec le silicium ou son oxyde, mais comme le grand plantain qui contient également de la silice, les briques de leur architecture sont constituées de carbone. En corollaire ces végétaux et autre radiolaires constituent d'excellents produits diurétiques, hémostatiques et reminéralisants. A consulter : Diatoms
L'action biologique des composés silicés Les seuls endroits sur Terre où nous trouvons de la silice en abondance sont les eaux chaudes de certains geysers tels ceux du parc de Yellowstone aux États Unis ou ceux d'Islande (par exemple le Lagon bleu). Leurs eaux parfois colorées par des éléments organiques peuvent contenir jusqu'à 700 mg de silice par litre. Cet élément est loin d'être inactif. La première question qui vient à l'esprit est de se demander comment le silicium est apparu sur Terre ? Il existe une réaction simple faisant intervenir l'hydrolyse des liaisons -Si-O-Si- dans la silice et les minéraux associés qui libère l'acide silicique en solution qui finalement pénètre dans la biosphère sous forme de silicium. Aujourd'hui les chimistes commencent à comprendre de quelle manière le silicium s'associe aux matériaux organiques. La surface des gels de silice par exemple, qui est extrêmement hydroxylée, capture facilement des molécules organiques polaires, ce qui permet de les utiliser en chromatographie. Les polysaccharides pare exemple (des sucres complexes poly-hydroxylés) interagissent avec les gels de silice par le biais des liaisons hydrogènes. Un autre exemple est la réaction de l'acide silicique avec les groupes amines des protéines et des esters phosphates des phospholipides. Cet acide réagit avec tous les systèmes membranaires (les phospholipides constituent l'une des substances de la membrane des protocellules) qu'ils soient naturels ou artificiels et est capable de modifier la perméabilité de leur structure. Il peut donc être associé aux processus métaboliques, à l'échange d'informations entre l'intérieur et l'extérieur d'une éventuelle cellule primitive. Les dérivés méthylés du silicium, à l'instar du comportement du germanium en milieu marin peuvent également être utilisés à des fins thérapeutiques chez l'homme ou les bactéries, ce qui semble indiquer qu'il existe au moins un système enzymatique, peut-être réversible susceptible d'hydrolyser la liaison Si-C. La réaction est d'autant plus probable qu'en pratique l'atome de silicium est presque toujours associé à un ou plusieurs atome(s) d'oxygène, y compris dans l'espace (Si-O). Il existe également des liaisons directes avec l’azote, Si-N dont les composés pentacoordonnés ont donné naissance à la très riche famille des silatranes. L'acide silicique et ses polymères présente l'avantage de pouvoir se condenser pour former progressivement à partir des dimères et des trimères des molécules de silice hydratée amorphe, l'acide polysilicique. Ici aussi sa condensation est la plus forte à travers ses liaisons hydrogène en présence de molécules polaires organiques en solution acide. Enfin, les résidus organiques des plantes en décomposition participent à la dégradation des roches et des minéraux du sol car ils contiennent des micro-organismes. Par réaction avec l'aluminium et le silicium (les cations) ils forment des complexes chélatés. Ainsi le fameux Si(OH)4 interagit avec les catéchols pour former des complexes hypervalents avec l'acide salicylique (un phénol). |