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La Bible face à la critique historique

"Saint Paul" (Saul de Tarse) peint par Vincenzo Gemito en 1917 exposé à la Galerie di Piazza Scala à Milan. Document Artgate Fondazione Cariplo.

Le rôle de Paul dans la foi chrétienne

Nous aurions pu intituler cet article "la naissance du christianisme" tellement l'influence de Paul et non celle de Jésus ou de son frère Jacques le Juste (cf. la querelle paulienne) marqua les premières communautés chrétiennes.

De nos jours, pour des millions de chrétiens, la naissance de Jésus, sa résurrection et l'espoir d'une vie éternelle sont au coeur de leur foi et forment les piliers du christianisme. Or à l'époque de Jésus et durant plusieurs générations après sa disparition, il n'y avait pas de célébration chrétienne au sens strict, puisque ce mouvement s'est surtout développé au cours des siècles suivants. Du temps de Jésus, ce qui se rapprochait le plus de notre célébration de Noël était la fête romaine des Saturnales qui se déroulait la semaine précédant le solstice d'hiver soit vers le 15 décembre.

Quant à la Cène mise en avant par l'Église, c'est un condensé d'au moins deux évènements non consécutifs dans une hagiographie plus symbolique qu'authentique. Elle ne célèbre pas "l'agneau pascal" (Action de grâce) et le sacre de l'Eucharistie y est maladroitement ajouté. A l'origine, la Cène est un simple repas que Jésus prit avec ses apôtres quelques jours avant la Pâque juive en espérant vraisemblablement encore échapper à la viligance des autorités. On y reviendra.

Si les chrétiens pratiquants divinisent aujourd'hui le Christ et célébrent la naissance de Jésus, ils le doivent à Paul. En effet, c'est à Paul de Tarse (Saul) que nous devons la fondation du christianisme plus qu'à Jésus.

L'enseignement de Paul

Bien que Paul soit né à la même époque que Jésus, il eut des difficultés pour être accepté par l'église de Jérusalem pour deux principales raisons. La première est qu'il n'a pas connu Jésus, il ne comptait pas parmi les apôtres de la première heure et fut même un Pharisien zélé représentant des autorités juives qui persécuta les premiers disciples de Jésus jusqu'à ce que sept ans après la disparition de Jésus. De plus, il ne l'a pas vu pendant la période de 40 jours suivant sa résurrection. Les premiers rapports disent que Jésus est apparu non seulement à ses disciples, mais aussi à des non-disciples, comme son frère Jacques et apparemment à d'autres membres de sa famille (cf. Actes 1 : 14).

La deuxième raison est que sa prétention d'avoir eu "des révélations de Jésus-Christ" comme il les qualifia lui-même (Galates 1:12) et de l'avoir vu ressuscité sur le chemin de Damas qui allaient bouleverser sa vie au point qu'il enseigna la Bonne Nouvelle jusqu'à mettre sa propre vie en danger n'a pas pu être vérifiée de manière indépendante par l'église de Jérusalem. Mais peut-être que le changement de comportement de Paul envers les disciples et ses professions de foi en étaient la preuve.

Jésus n'ayant jamais rien écrit (du moins qui ait survécu), c'est finalement le message de Paul que les premières communautés chrétiennes ont retenu et sur lequel l'Église fonda sa doctrine.

Paul précise que son message n'a pas été inspiré par les prêches des premiers apôtres. Il considère que Jacques, Pierre et Jean sont les "piliers de l'église", ce que se sent également obligé de reconnaître Luc qui n'a pourtant pas l'âme juive (Actes 12 et 15) mais Paul ajoute de suite que "cela ne m'importe pas" (Galates 2:6-9) car il insiste que sa vision personnelle du Fils de Dieu lui donne directement accès à Jésus. 

Il va de soi que son passé de Pharisien, de persécuteur et son désir de convertir des païens plutôt que des juifs expliquent l'opposition qu'il rencontra chez les membres de la communauté de Jacques le Juste et sa séparation progressive de leur mouvement.

Pour cette raison et d'autres, il y avait et il y a encore beaucoup de questions ouvertes sur les commentaires de Paul, en particulier à propos de la résurrection et l'immaculée conception de Jésus qui sont au coeur du dogme chrétien.

Voyons donc comment les premiers chrétiens, juifs et païens convertis comprenaient ces deux mystères.

La résurrection

Ce que Paul enseigna forme les bases du christianisme. L'un des concepts les plus familiers et très "chrétien" qu'il enseigna est la résurrection.

Dans le Nouveau Testament, dans sa première Épître aux Corinthiens (1 Corinthiens), le texte de Paul est significatif. Mais il peut aussi prêter à confusion, car au chapitre 15 il parle de corps "physiques" et de corps "spirituels". Comment faut-il comprendre ce chapitre 1 Corinthiens 15, en particulier quand il écrit : "il est semé corps animal, il ressuscite corps spirituel. S'il y a un corps animal, il y a aussi un corps spirituel" (1 Corinthiens 15:44).

Nous avons expliqué à propos de la résurrection qu'elle est la différence entre un corps animal ou physique (psychikón soma) et le corps spirituel (pneumatikón soma).

Pour rappel, jusqu'au premier siècle de notre ère, comme tous les Pharisiens, Paul croyait en une vie future avec une résurrection corporelle, contrairement aux Sadducéens qui ne croyaient pas à la résurrection. La croyance des Pharisiens est influencée par une lecture de Daniel 12:1-3 et de son interprétation au cours des siècles suivants. En effet, Daniel parle d'une résurrection collective : "Plusieurs de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, et les autres pour l'opprobre, pour la honte éternelle." (Daniel 12:2).

Pour Paul, Jésus fut le premier à faire l'expérience de cette résurrection physique, en chair, mais pas le dernier (1 Corinthiens 15:20). Lors de sa seconde venue, les justes recevraient des corps ressuscités comme celui de Jésus (1 Corinthiens 15:22-23). Paul décrit ce corps ressuscité comme un corps spirituel (1 Corinthiens 15:44). Les chrétiens contemporains diraient que le corps est pleinement habité par l'Esprit de Dieu.

Paul oppose la création du premier humain, Adam, par Dieu lui insufflant la vie, à la condition du dernier Adam, Jésus, qui ressuscita des morts (la phrase en grec est encore plus explicite : "ressuscité d'entre les morts" (1 Corinthiens 15:20). Paul écrit que le corps d'Adam était animé par un souffle de vie (psyché signifiant "souffle de vie" et non pas l'âme). Il l'oppose à la façon dont le corps ressuscité de Jésus était animé par l'Esprit.

En d'autres termes, l'expressionpneumatikón soma ne signifie pas un corps immatériel mais plutôt un corps animé par l'Esprit de Dieu. C'est précisément pourquoi il dit que le corps mortel doit être remplacé par un corps qui durera éternellement, un corps vivant en permanence et dynamisé par l'Esprit de Dieu - immunisé contre la maladie, la décomposition et la mort, de sorte que la mort ne puisse plus avoir de victoire sur lui.

En résumé, en 1 Corinthiens 15 Paul croit que Jésus avait un corps ressuscité, doté de la puissance de l'Esprit. Il croyait en outre qu'un jour chaque chrétien recevrait un corps ressuscité doté de la puissance de l'Esprit sur terre, mais dans le royaume de Dieu et établi par Jésus lors de sa seconde venue (1 Corinthiens 15:22-24, 50).

L'immaculée conception de Jésus

Le second concept "très chétien" que Paul enseigna est l'immaculée conception de Jésus pour laquelle il n'a pas tari d'idées pour convaincre son public de l'intérêt d'y croire pour son propre Salut.

La conception virginale de Marie apparaît pour la première fois en 374 sous la plume du théologien Epiphane de Salamine dans son livre "Ancoratus" (signifiant "ancré" dans le sens de l'homme ancré dans la foi) consacré aux dogmes de la Trinité et de la Résurrection.

Entre-temps, l'Église primitive définit le Symbole des Apôtres ou Crédo des chrétiens dont le troisième article évoque la "Vierge Marie". Dans la deuxième version du Crédo publiée en 381 formant le Symbole de Nicée-Constantinople, les croyants proclament que "Jésus-Christ est le Fils unique de Dieu, Il est Dieu, né de Dieu [...], engendré, non pas créé [...et] descendit du ciel; par l’Esprit Saint, Il a pris chair de la Vierge Marie, et S’est fait homme". Cette histoire miraculeuse est au coeur de la fête de Noël et est l'un des principaux arguments que les chrétiens mettent en avant pour affirmer et défendre leur foi.

Mais paradoxalement, l'Évangile selon Marc n'évoque pas la naissance de Jésus et commence pratiquement au début du ministère de Jésus quand il rencontre son cousin Jean le Baptiste dans le Jourdain, comme si la naissance de Jésus avait été ordinaire.

Sachant que Marc fut le premier à rédiger son Évangile (sans doute avant 68), on peut se poser la question de savoir qui est à l'origine de la naissance virginale de Jésus ? Quand et où fut-elle inventée ?

"L'Annonciation" peinte par Fra Angelico vers 1430-1432. Tempera sur bois de 154x194 cm (sans prédelle) exposée au Musée du Prado.

Contrairement à Marc, Matthieu et Luc nous en disent quelques mots mais dans des versions différentes du "conte de Noël" que nous connaissons tous. Les deux Évangélistes sont d'accord sur la nature de la grossesse de Marie qui s'est produite par l'entremise "d'un esprit saint", tout en insistant que Joseph devait maintenir le mariage malgré tout et qu'il devait nommer son enfant Jésus. En d'autres termes, le Saint-Esprit exigeait que Marie porte un enfant qui n'était pas le sien et en le nommant légalement, Joseph adoptait Jésus comme son fils légal.

L'expression "par un esprit saint" cité dans le texte original implique que la grossesse fut l'oeuvre d'un esprit et non d'un être humain, mais l'auteur ne dit pas explicitement que Dieu était le père de Jésus, comme par exemple Zeus séduisit Léto qui donna naissance à Apollon. En ce sens, le récit est différent de ces histoires de naissances miraculeuses si nombreuses dans la mythologie gréco-romaine (Zeus eut 56 enfants de plusieurs dizaines de femmes).

Mais si on étudie les textes de Matthieu et de Luc d'un point de vue littéraire, des érudits y ont vu un moyen d’affirmer la nature divine de Jésus en tant que "Fils de Dieu" en lui donnant une naissance surnaturelle extraordinaire, seul moyen d'expliquer ultérieurement le sens de son discours et l'origine des miracles.

Nous avons vu que cette idée du surhomme engendré par des dieux était courante dans la culture gréco-romaine et même ailleurs dans le monde. Il y avait toute une série de héros (et d'anti-héros) nés d'une union entre leur mère et un dieu : Platon, Empedocles, Hercule, Pythagore, Alexandre le Grand et même César Auguste. On peut également citer les pharaons, mi-homme mi-dieu, les superhéros de la mythologie indoue et les dieux chinois qui eurent d'abord une existence terrestre. Texte après texte, nous trouvons l'idée de l'homme divin dont la naissance surnaturelle, la capacité d'accomplir des prodiges ou des miracles et la mort extraordinaire le séparent du monde ordinaire des mortels.

Dans la culture gréco-romaine, ces héros ne sont pas des dieux "éternels" comme Zeus ou son alter-ego romain Jupiter. Ce sont des êtres humains mortels qui ont évolué aux cieux vers une vie immortelle. Au temps de Jésus, des temples et sanctuaires leur étaient érigés et ils étaient vénérés ou plutôt idolâtrés dans chaque ville de chaque province de l'empire romain. Il est donc facile d’imaginer que les premiers chrétiens qui croyaient en Jésus étaient aussi exaltés par le personnage que par n’importe quel héros ou dieux grec ou romain s'appropriant cette manière de raconter l'histoire de sa naissance. Ce genre de récit était une façon d'affirmer que Jésus était à la fois humain et divin ((theios aner), accessible et fragile mais en même temps tout puissant et éternel.

De nos jours, on a tendance à dire que Joseph était probablement le père adoptif de Jésus et que le récit surnaturel de sa naissance fut inventé par les disciples de Jésus pour rendre hommage au saint homme qui s'est sacrifié et pour promouvoir son statut extaordinaire d'une manière propre à la culture chrétienne, les juifs s'étend rapidement opposé à la nature messianique de ce prêcheur venu de Galilée sur un âne.

Paul ne fait jamais explicitement référence à la naissance virginale de Jésus et ne nomme même pas Marie et Joseph qu'il considère donc comme des personnages secondaires. En revanche, Paul affirme que Jésus préexistait avant sa naissance humaine et bénéficia en tant qu'être humain de la gloire divine dès sa naissance. Paul écrit que Jésus "existant en forme de Dieu [...] s'est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes" (Philippiens 2: 6-7). Il écrit plus loin : "vous connaissez la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, qui pour vous s'est fait pauvre, de riche qu'il était, afin que par sa pauvreté vous fussiez enrichis" (2 Corinthiens 8:9).

L'apôtre Paul (Saul de Tarse) peint par Antoine van Dyck vers 1618-1620. Huile sur bois de chêne de 63x46.5 cm exposée au Musée de Dresde.

Il va de soi que la richesse est à prendre sur la plan métaphorique, Paul interprétant la "richesse" comme de la préexistence de Jésus en Dieu, puisque toutes les sources textuelles font naître Jésus d’une famille paysanne pauvre. Paul a également écrit : "lorsque les temps ont été accomplis, Dieu a envoyé son Fils, né d'une femme, né sous la loi" (Galates 4: 4). Tous ces textes transmettent la même idée, à savoir que la mère de Jésus n’était que le réceptacle humain pour mettre Jésus au monde. Ce subterfuge littéraire sur la préexistence de Jésus n'est pas très éloigné de la notion de Jésus en tant que premier fils de Dieu, ce qui élimine toute nécessité qu'il ait un père humain.

En résumé, l'ensemble du message de Paul est centré sur la nature divine de Jésus et non humaine, avant comme après sa naissance et forcément après sa résurrection. Pour Paul, le Christ était le Fils de Dieu, il s'est incarné et naquit d'une femme. Jésus a mené une vie sans péché et s'est sacrifié pour l'expiation des péchés du monde. Il ressuscita des morts et fut élevé aux Cieux pour s'asseoir er régner à la droite de Dieu. Jésus reviendra bientôt pour juger le Monde. Ceux qui acceptent le Christ et son offre de Salut par la foi seront sauvés tandis que ceux qui le rejette seront condamnés. Comme les croyances chrétiennes passent de la naissance à la mort et à la résurrection de Jésus en une phrase en ignorant sa vie, Paul ouvre la voie à une compréhension confessionnelle de ce que signifie être chrétien.

C'est également ce que Marc, premier Évangéliste, a retenu de la façon d'être chrétien. Il ignore la naissance de Jésus ainsi que ses apparitions lors de la résurrection le matin de Pâque (son premier manuscrit se termine au chapitre 16: 8). En revanche, il insiste sur la bonté de Dieu plutôt que celle de Jésus, citant le jour où Jésus réprimanda un candidat disciple avec cette réplique surprenante : "Pourquoi m'appelles-tu bon ? Nul n'est bon, sinon un seul, Dieu" (Marc10:18; Luc 18:19).

Marc insiste sur la souffrance de Jésus sur la croix, mais uniquement pour inviter le lecteur à "prendre une croix" et à mettre ainsi sa vie au service des autres. Selon Marc, Jésus définit la vraie religion comme étant d'aimer Dieu et aimer son prochain, par opposition à tous les systèmes de religion. Marc considère le fait d'être chrétien comme un mode de vie plus qu'une adhésion à un ensemble de règles.

Ce message est toujours d'actualité, surtout à la période de Noël. Et pour cause, car c'est cet évangile prêché par Paul qui servit à élaborer les principaux Crédo chrétiens, du Crédo des premiers apôtres au Crédo de Nicée à l'époque de l'empereur Constantin.

Conclusion, c'est Paul qui a défini les "règles" du christianisme et non Jésus. Ceci dit, Paul ne s'est pas exprimé sur de nombreux détails ou idées confuses que les différents synodes et conciles ont approfondi et réglementé au cours des siècles sous forme de canons dont le pouvoir est équivalent à celui des articles de loi.

Puisque Jésus n'a pas laissé de trace écrite et que le Nouveau Testament contient 13 lettres attribuées à Paul (dont 7 certaines) c'est le message de Paul qui a prédominé. Même les quatre Évangiles - Matthieu, Marc, Luc et Jean - sont fortement influencés par Paul. Selon les historiens, les Évangiles furent rédigés dans leur forme définitive vers la fin du Ier siècle, soit plusieurs décennies après la mort de Paul et des premiers rédacteurs, même s'ils occupent une place de choix dans le Nouveau Testament.

Bref, la fête de Noël qu'on célébra pour la première fois en 336, n'aurait peut-être jamais vu le jour sans les nombreuses lettres rédigées par Paul et dont les Évangélistes se sont largement inspirés.

En quête du Jésus historique

 Les philologues et les linguistes commencèrent à se pencher sur la critique textuelle de la Bible à la fin du XVIIe siècle pour déterminer les contributions de chaque auteur tandis que des hordes d'historiens, d'archéologues et d'épigraphes se mirent dès le début du XIXe siècle à enquêter sur les traces du Jésus historique à la recherche de preuves et autres manuscrits bibliques pouvant confirmer ou infirmer le texte moderne de la Bible.

Les résultats, bien que toujours moindres que ceux espérés sont assez impressionnants. En comparant soigneusement les différentes "couches" littéraires de nos Évangiles ainsi que d'autres textes apocryphes découverts récemment tels que l'Évangile selon Thomas rédigé vers 350 et la Didachè (un manuel de la catéchèse daté du IIe siècle), un message généralement cohérent peut être retracé de manière fiable jusqu'à Jésus.

Près de 2000 ans après leur rédaction, c'est un défi de trouver les versions originales du Nouveau Testament. Les plus anciens manuscrits néotestamentaires découverts à ce jour (P52 et P90) datent de ~150.

Ce que nous apprennent ces textes apocryphes (rédigés après la mort de l'auteur ou du rédacteur) et les pseudépigraphes (rédigés par un anonyme au nom du prétendu auteur) qui ne figurent pas dans le Nouveau Testament n'est pas la doctrine du Christ de Paul ni les Crédo chrétiens. Ce sont des propos concernant un Jésus juif détaché de sa confession et isolé des autres mouvements religieux qui proclama l’imminence du "règne de Dieu", appelant ses fidèles à un renversement radical des structures de pouvoir, qu’elles soient basées sur la politique, la richesse, la classe sociale ou le sexe. Ce Jésus conduit une véritable révolution dont il connaît les risques.

C’est aussi ce Jésus rebelle qui émeut la population et en choqua d'autres en prononçant des bénédictions pour les pauvres, les affamés et les persécutés et maudit ceux qui ont la richesse, le confort et le pouvoir, tout en appelant les endettés à ne pas "payer leur dette" et les persécutés à "tendre l'autre joue", à aimer ses ennemis et à ne pas faire aux autres ce qu'on n'aimerait pas qu'ils nous fasse. C’est ce Jésus plein de sagesse et de compassion qui résuma la vraie religion comme le fait d'aimer Dieu et d'aimer son prochain comme soi-même et non pas de vénérer un Dieu par cupidité ou opportunisme.

En revanche, les éléments théologiques des quatre Évangiles révisés ultérieurement dans une perspective théologique contrastent nettement avec ces propos rebelles. Qu'il s'agisse des récits de la nativité, de la naissance virginale, du baptême chrétien au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ou le fait de manger littéralement le corps et boire le sang de Christ dans l'Eucharistie sont des visions purement chrétiennes que n'a jamais revendiquées Jésus qui rappelons-le était un juif pratiquant connaissant donc parfaitement le Tanakh dont les règles religieuses enseignées dans la Torah.

Mais si Jésus réussit à convaincre quelques milliers de personnes de se ralier à sa cause, y compris des membres du Sanhédrin et des païens dont des soldats Romains, sans la persévérance de Paul et sa compréhension de l'enseignement du Christ à travers ses visions, il est peu probable que quoi que ce soit qui ressemble au christianisme ait émergé des disciples voire des premières communautés de Jésus.

Rappelons que l'Épître de Jacques, le frère de Jésus, qui vient juste après le Nouveau Testament est l'un des seuls documents survivants témoignant de cette forme de proto-christianisme avant Paul. Dans cette lettre, on peut encore entendre la voix de Jésus et le message qu'il transmit à ses premiers disciples, avant qu'il soit dénaturé par Paul et les Pères de la Grande Église. En effet, bien que n'y voyant pas la moindre trace d'un enseignement oecuménique adresssé aux nations, la Grande Église fut contrainte de l'inclure dans le Nouveau Testament du fait, comme l'écrivit Eusèbe de Césarée que "nous savons que ces lettres sont lues publiquement avec les autres, dans un très grand nombre d'églises" (Eusèbe, "Histoire ecclésiastique", Livre II, XXIII-XXIV).

Ironiquement, Paul et Jésus sont nés à peu près à la même époque, peut-être même la même année, à quelques kilomètres l'un de l'autre. Jérôme, l'écrivain chrétien du quatrième siècle, dit que Paul est né à Gischala, en Galilée, une ville située à 25 kilomètres au nord de Nazareth. Les Romains ont exilé les parents de Paul à Tarse en Cilicie vers 4 avant notre ère lorsque des révoltes ont éclaté en Galilée à la suite du décès d’Hérode le Grand. Le nouveau-né Jésus et ses parents, Joseph et Marie, étaient aux prises avec le même bouleversement exactement au même moment - et Matthieu connaît une tradition selon laquelle ils se sont enfuis en Égypte dans un exil temporaire. C’est sûrement l’un des plus étranges moments de l’histoire où Paul et Jésus, qui ne se sont jamais rencontrés, ont partagé ces origines communes, mais ils ont chacun joué un rôle distinct dans ce qui finit par devenir une nouvelle religion, le Christianisme.

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