APPLICATIONS


Si vous désirez vous lancer dans la spectrographie, vous pouvez pratiquement observer tout de suite et à moindre frais !
 
Précipitez-vous chez un bon revendeur de matériel photographique et achetez un filtre à effets spéciaux de marque Cokin numéro 40. Il vous en coutera environ 300 F. C'est la somme à investir pour réaliser le premier spectre avec votre caméra CCD.
 
Figure 9. Le filtre Cokin N°40 légèrement modifié au ciseau pour entrer dans le porte filtre de l’Association Aude.
 
Vous venez de vous procurer un authentique réseau à diffraction comprenant 240 traits au millimètre. Le filtre Cokin numéro 40 fait partie de la famille des filtres spéciaux à irisation. Les photographes s’en servent pour colorier dans les couleurs de l’arc-en-ciel les bords de murs et autres lampadaires. Vos sujets à vous, ce seront les étoiles. Vous avez en main tout ce qu’il faut pour vérifier la théorie des réseaux à transmission placés dans un faisceau convergent !

Arrangez-vous pour disposer le filtre à deux ou trois centimètres en avant de la surface du CCD. Le tiroir d’un porte filtre sera probablement idéal pour cela. Au besoin, la monture du filtre Cokin peut être usinée facilement car elle est en plastique.

Visée un champ d’étoile et posés quelques secondes, vous allez obtenir l’image de la figure 10. Celle-ci démontre un important avantage d'utiliser un réseau sans fente. Il est en effet possible d'acquérir simultanément le spectre de nombreux objets en une seule image. C'est ce qui justifie le terme de spectro-imageur pour ce type d'instrument.

Figure 10. Image en négatif d’un champ d’étoiles observé en interposant un réseau à transmission dans le faisceau optique. Filtre Cokin N°40 et télescope de 190 mm à F/D=4. Une petite astuce au passage : arrangez-vous pour que le spectre soit orienté approximativement suivant un axe nord-sud avec un spectrographe sans fente. De cette manière, une erreur périodique de l'entrainement du télescope ne détériorera pas trop la résolution spectrale (l'élargissement du spectre dans la direction des raies sera compensé par l'opération de binning, voir plus loin).
 
Remarquez dans cette image les deux étoiles brillantes. A droite de chacune vous avez un trait horizontal, c'est le spectre d’ordre 1. Les images approximativement ponctuelles correspondent quant à elles à l’ordre zéro ; des images que vous observeriez à l’identique si vous n’aviez pas mis en place le réseau. Toutes les étoiles du champ produisent un spectre, mais celui est pafois trop faible pour être distinctement observé dans cette reproduction. Notez que les spectres sont relativement fins, signe qu’ils sont nets, mais en même temps, les étoiles sont assez fortement défocalisées à l’ordre 0, ce qui trahit une courbure de champ, inhérente à ce type de montage. En examinant les spectres attentivement vous pouvez déjà apercevoir quelques raies spectrales, notamment une raie dans le rouge vers 7613A, produite par l'oxygène de l'atmosphère. Celle-ci sera souvent précieuse pour calibrer les spectres en longueur d'onde.

La figure 11 montre comment on extrait le profil spectral d'une étoile du champ. Tout d’abord l’image est tournée d’un angle précis (en utilisant par exemple la commande ROT dans QMiPS32) de manière à ce que les spectres soient exactement horizontaux. Une sous image est extraite de l’image complète. Celle-ci contient le spectre à l’ordre 1 et l’image stellaire à l’ordre 0.

Le fond de ciel doit ensuite être retiré de manière à ce que le zéro de l’échelle d’intensité du spectre soit défini. Pour cela, le niveau du fond de ciel local est déterminé pour chaque colonne, de part et d'autre du spectre, puis soustrait à celui-ci.

A ce stade vous devez soigneusement isoler le signal appartenant effectivement au spectre. Pour cela il faut indiquer au programme sur quelle largeur s’étend le spectre dans la direction perpendiculaire à la dispersion. A partir de cette information, le logiciel additionne tous les pixels compris dans cette largeur, colonnes après colonnes (opération de binning). Cela équivaut à ramener le flux étalé suivant l'axe perpandiculaire à la dispersion sur une seule ligne de pixel. Si largeur indiquée est excessive, un résidu de fond de ciel trop important sera injecté dans le profil spectral, ce qui aura tendance à la bruiter. Si la largeur est trop faible, on gaspillera du signal utile, avec toujours pour conséquence, une augmentation du bruit. Pour aider à réaliser ce compromis, le logiciel d’analyse doit posséder des fonctions de diagnostics du bruit dans le spectre (la commande L_OPT de QMiPS32 applique une pondération à l'intensité d'un pixel en fonction de sa position dans le spectre avant addition). Le résultat de ce travail est la transformation optimisée d’un spectre bidimentionnel en un spectre monodimentionnel : le profil spectral.

Un spectre synthétique est ensuite généré en étalant verticalement le profil spectral. (spectre du centre dans la figure 11). On peut à présent tracer à partir de cette image le profil spectral proprement dit (une coupe photométrique horizontale dans l'image) et créer sur le disque le fichier correspondant (commande L_PLOT). Le résultat est le graphe en bas de la figure 11.

 Figure 11. La technique d’extraction du profil spectral (notez que les images sont en négatif).

Quelques raies spectrales intenses ont été indiquées. Avec un peu d’habitude elles sont presque toujours faciles à trouver. Si c’est la première fois que vous faite des images avec votre spectrographe, il est très important de déterminer le facteur de plaque P.  C’est en effet la clef pour, par la suite, identifier des raies plus discrètes. Si l’ordre zéro est accessible, comme sur la figure 11, la procédure pour calculer P est relativement simple. Il faut repérer une raie intense sans ambiguïté, par exemple la raie O2 atmosphérique à 7609 A (il s’agit en fait d’un ensemble de raies, mais suffisamment serrées pour pouvoir les assimiler à une raie unique compte tenu de la résolution du spectrographe). Sur le profil spectral on mesure, en pixel, la distance de cette raie au centre de l’image d’ordre 0. Supposons que l’on trouve 178 pixels. Comme le pixel à une dimension de 9 microns, la distance e en millimètre entre la raie et l’ordre 0 est : 178 x 9.10 –3 = 1,602 mm. Le réseau comportant 100 traits/mm on calcule ensuite l’angle de diffraction b à 7609 A. On trouve b=4,364°. Il faut ensuite déterminer le paramètre d, la distance séparant le CCD du réseau :

Le facteur de plaque de notre montage est alors calculé : P=4759 A/mm. Il s’agit d’une constante instrumentale que vous n’aurez à déterminer qu’une seule fois si vous ne touchez pas au montage.

Dorénavant, pour estimer la longueur d’onde l d’une raie dont on connaît la position x en pixels, il suffit d’appliquer la formule (on suppose ici que la dispersion est linéaire) :

avec l0 et x0  respectivement la longueur d’onde en A et la position en pixel de la raie de référence, P le facteur de plaque en A/mm, e la taille du pixel en mm.

La figure 12 montre un exemple de profil spectral de l'étoile Véga réalisé avec le simple réseau Cokin 40.

Figure 12. Le profil spectral de l’étoile Véga. La partie bleue du spectre est à gauche, la partie rouge est à droite. Les principales raies spectrales ont été marquées. On remarque la série de l’hydrogène particulièrement nette dans les étoiles de type A0. La partie infrarouge se singularise par la présence des bandes moléculaires de composants gazeux de l’atmosphère terrestre : la bande B de O2 entre 6850 et 7020 A, la bande H2O entre 7000 et 7400 A et la bande A de O2 entre 7580 et 7750 A.

Le spectre de la figure 12 est borné spectralement par la réponse du CCD. A gauche le spectre débute dans le bleu à partir 3900 A environ. A droite, le spectre s’évanouit dans l’infrarouge vers 1 microns de longueur d’onde (dans la figure le spectre est volontairement arrêté aux alentousr de 8000 A à cause du problème de recouvrement d’ordre). Entre ces deux bornes, le rendement quantique évolue de manière complexe et de nombreuses variations d’intensité dans le spectre sont dûes au CCD lui-même. Une partie importante du traitement des spectres consiste à retirer cette contribution du détecteur, mais aussi celle de la transmission de l’optique et de l'atmosphère ou encore celle du rendement du réseau qui évolue lui aussi en fonction de la longeur d’onde (nous verrons cela plus loin lors de l'analyse du spectre du quasar 3C273).

Le réseau Cokin, bien que parfaitement utilisable en astronomie, présente l'inconvénient de diffracter le flux luminuex de manière identique dans les ordres de signes opposés, ce qui ne favorise pas la détectivité lorsqu'il s'agit d'étudier des astres faibles. Heureusement il existe des réseaux plus adaptés et moins chers comme le montre la figure 13.

Figure 13. D'excellents réseaux à diffraction sont distribués par la société Jeulin (spécialisée dans la fourniture d'équipements scientifiques pour l'Education Nationale). Ils sont conditionnés sous cache diapositive en verre. Une propriété fondamentale de ces réseaux est qu'ils concentrent une part importante du flux optique dans un seul ordre (ils sont blazé). Le rendement du spectrographe est donc très sensiblement augmenté. Les caches dispositives se glissent sans problèmes dans le porte-filtres de l’Association Aude. On voit sur cette image un des derniers prototypes de la caméra Audine (le boîtier n'est pas encore anodisé noir). Nous avons utilisé le modèle de réseau possédant 100 traits/mm qui est excellent pour notre application (Référence catalogue : 212 022 01 – Prix : 123 F TTC)

D'après des mesures faites sur des étoiles il s'avère que le réseau Jeulin de 100 traits/mm concentre 43% de l'énergie dans l'ordre 0, 47% dans l'ordre 1 (celui qui est utile) et 10% dans les autres ordre. C'est une performance plus que honorable pour un réseau de ce prix (les meilleurs réseaux blazé par réflexion envoient environ 70% du flux dans un seul ordre en moyenne dans le domaine de réponse spectrale d'un CCD).