LES GRANDS CHOIX TECHNIQUES

LE CCD KAF-0400

Le CCD (Charge Coupled Device) est un composant qui reste encore cher de nos jours comparativement aux circuits électroniques courants. Son achat représente généralement l’investissement majeur dans un projet de caméra CCD et il est obligatoire de rechercher un équilibre raisonnable entre les performances et le prix. Pour Audine le choix s'est porté vers le CCD KAF-0400, de la société Kodak. Il s'agit d'un composant qui a largement fait ses preuves et aux caractéristiques bien connues. Certains membres de l'équipe Audine ont probablement été les premiers au monde à fabriquer une caméra autour de ce composant pour les besoins de l'astronomie amateur !

Plusieurs familles de CCD sont regroupées sur cette photographie. Le KAF-0400 est le CCD au premier plan.

La taille de la surface sensible du KAF-0400 est de 6.9 x 4.6 mm. On est loin de la surface d'une pellicule photographique mais, compte tenu de la sensibilité du CCD, ce que l'on perd en champ est gagné en profondeur, puisqu'il est possible d'observer des astres très faibles.

Une caractéristique importante du KAF-0400 est liée à sa technologie MPP (Multi-Pined Phase) qui permet d'afficher un niveau de courant d'obscurité extrêmement bas. C'est un point crucial dans une caméra économique, car il est possible d'envisager un refroidissement modeste du CCD tout en conservant des performances très honorables en imagerie du ciel profond, c'est-à-dire avec des temps de pose pouvant atteindre plusieurs minutes.

Enfin, le KAF-0400 possède des qualités cosmétiques et optoélectroniques qui le placent dans le haut du pavé pour un composant avoisinant les 2000 à 4000 F TTC (suivant le grade de qualité).

Les principales caractéristiques du KAF-0400 sont :

Voici quelques commentaires à propos de ces caractéristiques.

La taille des pixels du KAF-0400 est assez équivalente à celle du grain d’une pellicule photographique (à titre indicatif, le grain d’un film très haute résolution comme le TP2415 est de l’ordre de 5 microns). Cette caractéristique semble prédestiner le KAF-0400 à l’imagerie haute résolution. S’il est vrai qu’il suffit de placer directement le CCD au foyer d’un télescope de 3 mètres de focale pour réaliser des images planétaires de bonne facture, sans l’apport d’autres composants optiques, le champ d’application est bien plus vaste. En vérité, au prix d’une bonne adaptation du télescope (focale relativement courte) ou en utilisant l’astuce du binning (regroupement de paquets de pixels adjacents), le KAF-0400 s’avère être redoutablement efficace en imagerie du ciel profond.

Le produit du nombre de pixels par leur taille fournit la valeur de la surface sensible. Elle est de l'ordre de 32 mm2, ce qui est suffisant pour pointer rapidement le télescope sans trop de difficulté mais certainement un peu juste pour réaliser très efficacement des programmes d’observation du type surveillance (pour la découverte de comètes, de novae, de supernovae…), encore que tout est question de patience en la matière. Pour mémoire, la surface sensible d’un film 35 mm est de 864 mm2, soit 27 fois supérieure. Mais ne faisons pas trop la fine bouche en songeant à la surface sensible des caméras de première génération à base de TC211 qui était 5 fois plus faible que celle du KAF-0400.

Avec le KAF-0400 l’intégralité de la surface du pixel reste photosensible. On dit que le facteur de remplissage est de 100%. Il existe une version de ce CCD qui comporte un dispositif dit anti-éblouissement. Celui-ci réduit les effets de traînées qui s'échappent des étoiles suffisamment brillantes pour saturer le détecteur. Mais alors la surface sensible du pixel est réduite de 30% et la sensibilité dans la même proportion. Même si cela n'est pas toujours très esthétique, il est recommandé d'exploiter la version sans dispositif anti-éblouissement afin d’optimiser la sensibilité du détecteur.

Le KAF-0400 utilise la technologie MPP, nous l'avons vu, afin d'amener à un très bas niveau le courant d’obscurité. C’est du reste l’un des meilleurs composants sur le marché en regard de cette caractéristique. A en croire la notice du fabricant, il faut 1000 secondes à 25°C pour que la saturation soit atteinte du seul fait du signal thermique. Ce résultat, très flatteur, laisse penser que le KAF-0400 peut être utilisé quasiment sans refroidissement pour des poses astronomiques de 2 ou 3 minutes au moins. En pratique, cette performance n'est pas atteinte en raison de la présence de pixels affectés d’un signal thermique nettement supérieur à la valeur moyenne, typiquement plus fort de deux ordres de grandeur au moins. Au bout de quelques dizaines de secondes de pose à la température ambiante, une image acquise dans l’obscurité apparaît constellée de points brillants à l’endroit de ces pixels, que l'on nomme points chauds. Les plus intenses restent visibles même en refroidissant le détecteur vers –10°C avec une pose de 2 ou 3 minutes, mais remarque importante, ils sont toujours localisés aux mêmes endroits dans l’image et il sera dès lors facile de les éliminer par des opérations de prétraitement. Néanmoins leur nombre devient rapidement prohibitif si la température de fonctionnement du CCD est de l’ordre de 25°C et si le temps de pose dépasse une minute. Dans de telles conditions d’utilisation, le traitement mathématique de l'image atteind ses limites et peut laisser des résidus gênants. Finalement, le temps de pose maximal à la température ambiante sera d’une minute environ, ce qui est déjà suffisant pour des applications telles que l’autoguidage ou l’imagerie planétaire. A –10°C le KAF-0400 produit un courant d’obscurité moyen de 0.1 électron/pixel/seconde, soit au bout de 2 minutes de pose, seulement 12 électrons thermiques en moyenne. C’est un signal très faible si on le compare à celui provenant du fond de ciel dans la plupart des situations. Le système de refroidissement intégré de la caméra Audine permet de refroidir le CCD à -15°C lorsque la température ambiante est de 20°C.

La sensibilité de l’étage de sortie du KAF-0400 est très élevée (taux de conversion des électrons en volt). Cette performance permet d’envisager un amplificateur à faible gain en sortie de CCD, ce qui est tout bénéfice puisque le dit amplificateur sera facile à concevoir. Il apportera probablement peu de bruit et il aura une large bande passante pour des applications où le CCD doit être lu très rapidement.

Le rendement quantique est classique pour un CCD épais, mais inférieur d’un bon facteur deux en regard de CCD bien plus coûteux, dits CCD amincis.

Les horloges sont à deux phases et au nombre de 5 : deux pour le transfert des charges de la zone image dans le registre horizontal, deux pour piloter le registre horizontal et une pour la remise à zéro de la capacité de l’étage de sortie pour chaque arrivée d’un nouveau pixel. Les deux horloges du registre horizontal sont symétriques, si bien qu’au niveau de la commande, il suffit d’en générer une seule.

Quelques points noirs viennent obscurcir le tableau d'excellence du KAF-0400 :


Un obturateur électromécanique, ici de marque Uniblitz, est un mécanisme relativement cher. Implémenter un tel équipement en standard dans Audine aurait augmenté son coût sensiblement (de l'ordre 1000 F, hors mécanique et électronique de commande). Des solutions alternatives plus simples existent.

Le KAF-0400 est disponible en plusieurs classes de qualité. La classe 0 correspond à un composant exempt de défaut, que nous qualifierons de majeur. La classe 2 est celle correspondant sur le papier à la moins bonne qualité. Bien entendu le prix augmente au fur et à mesure que le nombre de défauts diminue.

Pour établir la classe d’un CCD le constructeur procède par tri dans des conditions d’utilisation qui s’avèrent assez éloignées de celle de l’astronomie. Par exemple les tests ne se font pas à  basse température, si bien que certains défauts qui font rejeter un CCD vers une classe inférieure peuvent fort bien s’évanouir lors d’une utilisation dans une caméra astronomique. Le tri peut aussi se faire sur des défauts de non uniformité de réponse, qui là encore ne sont pas très gênants parce qu’ils sont gommés lors du pré traitement. Et quant bien même des défauts résiduels persisteraient dans l’image, on les appelle des défauts cosmétiques, ils affecteront en pratique toujours un très petit nombre de pixels. Il n'est pas rare d'entendre de nouveaux utilisateurs de caméra CCD criant au scandale parce qu'il y a 3 ou 4 pixels déficients dans leur image. Il faut garder son sang froid : un KAF-0400 comprend environ 400.000 pixels et un calcul immédiat montre que 0.001% seulement de la surface sensible est affectée. A la rigueur, une colonne malade mal placée, c’est-à-dire au centre de l’image, est un peu plus ennuyeuse, mais ce n’est pas non plus totalement décisif, car un traitement simple permet de masquer le défaut en grande partie en usant de l’information des colonnes adjacentes. Les utilisateurs grincheux de caméras CCD devraient aller voir du côté des équipements professionnels. Il n’est pas rare d’y trouver des CCD offrant un spectacle apocalyptique pour les personnes sensibles : nombreux bouts de colonnes inexploitables (phénomène de trap), très mauvaise uniformité de réponse, très grande sensibilité aux rayons cosmiques... Il est classique de voir des images brutes sortant de gros télescopes (y compris le Space Telescope) dans lesquelles il y a tellement de problèmes cosmétiques qu’il est presque impossible d'y discerner la nature de l’objet visé. Un bon prétraitement met de l'ordre à tout ceci. En résumé la classe 0, qui correspond au zéro défaut selon le constructeur, ne se justifie pas vraiment. Le grade 1 est largement suffisant et le risque est faible à utiliser le grade 2 dans une caméra astronomique (nota : quel que soit le grade, le nombre de points chauds sera approximativement identique). Bref, visez le grade 2 qui vous sera facturé autour de 2500 F TTC.