Par Serge CHEVREL, association Apollo25
Lorsqu'on est passionné par l'exploration de l'espace et en
particulier par les missions spatiales habitées, on ne peut
s'empêcher de réagir à tous les propos qui vont
à l'encontre de la présence de l'homme dans l'espace.
Parmi les derniers en date, on peut citer ceux de l'actuel ministre
l'Education et de la Recherche (voir par exemple "L'Express" du 18
Septembre 1997; Air&Cosmos No.1629, 10 Octobre 1997).
Le débat concernant l'utilité de la présence
de l'homme dans l'espace est régulièrement relancé.
Pourtant, depuis les débuts de l'astronautique, pratiquement
chaque mission spatiale habitée a apporté la preuve que
l'homme est réellement indispensable à bord des vaisseaux spatiaux. Mais les opposants aux vols habités ont la peau dure...
moins dure cependant que leurs arguments, lorsqu'ils en ont. Il est
tellement facile de les démolir (les arguments) que l'on
hésite généralement à prendre sa plume
pour le faire, pensant que le bon sens critique de tout à
chacun fera le travail. Cependant, ne pas réagir, c'est prendre
le risque de voir les idées fausses s'imposer. Alors allons y
allègrement et défendons haut et fort les vols
habités...
L'évocation des missions spatiales dont les objectifs
ont été atteints grâce à la présence
de l'homme à bord serait très longue, en passant de la
maîtrise du rendez-vous spatial entre des vaisseaux il y a plus
de 30 ans, à la réparation du télescope spatial
Hubble, et aux expériences technologiques et scientifiques
actuellement menées dans la station Mir ou dans la navette
spatiale.
L'exploration de la Lune lors des missions Apollo représente
un bon exemple de réussite et de programme spatial
irréalisable sans la présence humaine. Tout d'abord,
c'est parce que les astronautes assuraient manuellement la
dernière phase de l'alunissage que chacun des 6 modules
lunaires a pu se poser correctement sur la Lune. En effet, le
programme automatique de descente dirigeait presque toujours le
vaisseau vers un endroit dangereux car trop accidenté en
raison d'une forte pente ou de la présence de rochers ou
de cratères. Au cours des marches lunaires, l'installation
et la mise en route à proximité du LM d'instruments
scientifiques (les stations ALSEP), n'ont été possibles
que grâce à la présence de l'homme, la
complexité de cette tâche étant irréalisable,
même à l'heure actuelle, par des moyens robotisés.
Les données recueillies par ces instruments ont contribué
de façon importante dans la moisson de résultats
scientifiques sur la Lune et son environnement. Enfin, dans le cas
de sites géologiquement complexes comme ceux des missions
Apollo 15, 16 et 17, là ou la diversité et la
représentativité des échantillons de roches
à récolter était cruciale pour pouvoir par
la suite comprendre l'histoire géologique de la région
visitée, la présence de l'homme a joué un
très grand rôle gârce à sa capacité
encore inégalée, à analyser et à
opérer des choix en temps réel.
Hommes et robots dans l'espace: |
Certes la récente mission martienne Pathfinder a
montré, grâce au robot mobile Sojourner, que
l'exploration d'une surface planétaire était
réalisable à distance par des moyens
entièrement automatiques. Cependant ce genre d'exploration
apparaît actuellement très limité sur le plan
des expérimentations réalisables, et très
laborieux car trop lent. En effet, sans parler des nombreuses
difficultés qu'il rencontrerait, combien de temps faudrait-il
à Sojourner pour réaliser une exploration identique
à celle menée par les astronautes d'Apollo 17, il y a
tout juste 25 ans dans la vallée de Taurus-Littrow ?...
Dans le domaine des vols orbitaux, maintenir en état
de fonctionnement les systèmes de bord d'une station ou d'un
vaisseau orbital; reconnecter, voire ressouder les fils d'un instrument
et de ce fait sauver une expérience importante pour de nombreux
chercheurs; changer le protocole d'une expérience en fonction
d'impératifs de dernière minute; à l'occasion
d'une sortie dans l'espace donner un coup de pied dans un panneau
solaire pour le débloquer et assurer l'énergie à
des systèmes du vaisseau.... voici quelques exemples qui montrent
que la présence humaine est, et sera toujours, indispensable
à bord des vaisseaux spatiaux si l'on veut mener à bien
et de façon optimale des expériences destinées
à mieux connaître l'univers qui nous entoure et aussi
mieux connaître l'homme lui même.
Au delà de ces raisons, il est dans la nature profonde de
l'homme d'explorer par lui même tous les milieux qui l'entourent.
L'hostilité de certains environnements a parfois ralenti
notre progression, mais nous avons presque toujours trouvé
la parade technologique pour poursuivre l'exploration de notre
planète. Si quelques endroits résistent encore, comme
les fonds océaniques, cela n'est qu'une question de temps.
S'il est un terrain d'exploration qui soit à la véritable
mesure du besoin de connaissance de l'homme, c'est bien l'espace.
C'est un milieu qui, au même titre que tous ceux de notre
planète, ne restera pas inexploré. D'ailleurs, cela
a commencé aussitôt que nous avons possédé
les premiers rudiments de technologie pour quitter la Terre. Jusqu'
à présent, nous nous sommes seulement aventurés
dans la proche banlieue terrestre et jusqu'à la Lune, ceci
avec des moyens techniques encore très primitifs... Cela
ne représente que les toutes premières étapes
de la progression de l'homme dans l'espace, que l'infime partie d'un
parcours qui est sans limites.
En prenant lui même part à l'exploration de l'espace,
l'homme relève le plus grand défi d'ordre scientifique,
technologique et spirituel qu'il puisse rencontrer. Il concrétise
un rêve et surtout il répond à un besoin
profondément inscrit en lui, quasiment au niveau de ses g
ènes. Cette exploration revêt une portée immense
car l'espace lointain constitue non seulement un fabuleux terrain
d'exploration et d'expérience pour l'humanité, mais
il déterminera aussi la destinée de l'homme en terme
d'évolution, ceci jusqu'à un stade que nul ne peut
aujourd'hui imaginer. Dans les endroits trop hostiles, des engins
automatiques et des robots seront mis à contribution pour
accomplir à notre place notre tâche d'exploration de
l'espace. Cependant, même s'il utilise des moyens tels que
la télé-présence et la réalité
virtuelle, et même s'il dispose un jour d'un substitut
quasiment parfait, l'homme voudra toujours se trouver physiquement présent aux avant-postes de l'exploration spatiale, ceci
à chaque fois que cela sera possible.
Marcher à la surface de la Lune, de Mars ou d'autres
planètes, sur les traces ou non de robots, voilà
ce qui donnera à l'exploration spatiale sa véritable
dimension humaine. En fait, l'homme n'a nullement besoin de justifier
sa présence dans l'espace. Sur le plan intellectuel et &
eacute;thique, sa présence parait si évidente que
prétendre le contraire serait se réduire soi même
à pas grand chose et faire insulte à l'intelligence et
à la condition humaine.
L'astronaute américaine K. C. Thornton lors d'une
activité extra-véhiculaire (mission Endeavour STS-49)
en 1992. |
Il y a entre 500 000 ans et un million d'années, dans la
vallée du rift en Afrique, vivait un hominidé qui
aimait regarder la Lune lorsqu'il veillait à l'entrée
de son abri. Cet hominidé pourrait être "Guetteur de
Lune" de Arthur Clarke dans "2001 l'odyssée de l'espace". En
ce temps là, la conscience de l'homme s'éveillait
à peine et Guetteur de Lune vivait dans un monde rempli de
mystère. Ce n'est que très lentement que les choses
de son environnement se mettaient en place dans son esprit en recevant
parfois un semblant d'explication. Dans ce paysage, la Lune
n'était qu'un objet de contemplation qui conserverait encore
longtemps son mystère.
Mais tandis qu'il l'observait souvent et qu'elle se reflétait
dans ses yeux, on peut s'interroger si Guetteur de Lune
n'éprouvait pas déjà une indescriptible mais
néanmoins profonde sensation que l'avenir de son espèce
passerait un jour par cet étrange disque qui brillait dans le
ciel, pour aller bien au delà, vers les étoiles...
Bien que nous ayons fait le voyage vers la Lune, nous sommes
toujours très proches de Guetteur de Lune car nous n'entrevoyons
pas encore clairement qu'elle sera notre place et notre destinée
dans l'espace. Pour la plupart des terriens, notre progression dans
l'espace semble encore faire partie de l'inconscient plutôt que
de la réalité, même si nous avons déjà
concrétisé certaines étapes essentielles depuis
bientôt quatre décennies.
Là où il va il fait un froid mortel
Si l'homme ne change de ciel
Mylène Farmer, "Rêver".
Vouloir réduire notre participation aux vols habités, voilà une idée qui parait bien "sotte grenue"... et qui est indigne des descendants de Guetteur de Lune...
Lisez aussi la réponse de Georges Anderlini à ce texte de Serge Chevrel...
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de garde A25