Par Serge CHEVREL, association Apollo25
Si tout se passe bien, 4 missions consacrées à
l'assemblage de l'ISS (International Space Station), aussi
appelée station Alpha par les américains,
devraient avoir lieu dans le courant du deuxième semestre
de l'année 1998.
Au mois de juin, le tout premier
élément de la station sera lancé depuis le
cosmodrome de Baikonour dans le Kazahkstan par une fusée
Proton et placé sur une orbite de référence
de 190 x 430 km, inclinée à 51.6 degrés sur
l'équateur.
Selon la dénomination utilisée pour les vols, il
s'agira du vol 1A/R et l'élément en question sera
le FGB (Functional Cargo Block). On notera que le sigle correspond
non pas à la dénomination américaine, mais
russe... En effet, le FGB est un module pressurisé de 20 T
de fabrication russe (Agence spatiale russe, avec le support de
Boeing) dont la fonction est de fournir l'énergie
nécessaire à l'ensemble des premiers
éléments de la station, et également de
propulser ces derniers pour des réajustements de l'orbite.
Pour assurer ces deux fonctions, le FGB comporte des panneaux
solaires et du carburant en stockage. Il assurera en outre les
communications avec la Terre. Il s'agit donc d'un
élément actif, vital dans les premières
étapes de la construction de l'ISS. Dans le futur, il est
prévu que l'alimentation électrique et les
communications avec la Terre seront assurées par d'autres
modules, mais pendant plus de 15 ans, le FGB continuera à
servir de lieu de stockage de carburant.
Le développement de ce module n'a pas été
sans mal, et de avril à décembre 1997, le FGB a du
subir à Krunichev (Russie) certaines modifications pour
améliorer les systèmes de controle d'attitude,
d'avionique et de capacité de stockage en carburant.
De ce fait, le premier vol d'assemblage de l'ISS interviendra
avec un retard de près de 8 mois sur le planning initial,
non pas tellement suite aux modifications apportées au FGB,
mais à cause de la situation financière actuelle
de la Russie qui a eu du mal à boucler son budget pour
cette entreprise.
Vue d'artiste de l'ensemble de la station spatiale une
fois tous les modules assemblés,
avec la navette spatiale américaine amarrée au PMA-2. (Document NASA)
Le deuxième vol, dénommé 2A, est programmé pour le 9 juillet 1998. Ce jour là, la navette spatiale Endeavour (vol STS-88) emportera dans sa soute et placera en orbite un élément américain: le "Node 1" auquel sont rattachés deux adaptateurs pressurisés appelés PMA-1 et PMA-2. Le "Node 1" (traduction francaise: noeud ou module servant de connexion) est un module interface comportant 6 ports qui sont autant de points de connexion pour de futurs éléments comme le module d'habitation et le laboratoire américains. L'adaptateur pressurisés PMA (Pressurized Mating Adapter)-1 servira d'interface entre des éléments US et des éléments russes de la station. A l'issue de ce vol, il servira donc de passage entre le "Node 1" et le FGB, amené lors du premier vol (1A/R). Le PMA-2 servira quant à lui de point d'amarrage (docking en anglais) à la navette. A l'issue du vol 2A, on aura donc la configuration donnée dans le schéma ci dessous.
Schéma très simplifié de la station
internationale (ISS) à l'issue des 4 vols d'assemblage qui
auront lieu en 1998. Les tailles respectives des différents
éléments ne sont absolument pas respectées,
seule la configuration de l'ensemble étant prise en compte.
La station sera composée de trois modules:
L'ensemble aura une longueur totale d'environ 32 m et une
envergure de 30 m au niveau des panneaux solaires (en bleu foncé
sur le schéma), et placé sur une orbite moyenne de
380 km d'altitude inclinée à 51.6 degrés sur
l'équateur. (Document L'Astronaute, 1997)
En fait le Node 1 servira de passage entre d'une part les
quartiers de vie et d'autre part les modules de travail de l'ISS.
Lors du vol STS-88, qui durera 11 jours, le rendez-vous avec le
FGB se fera à une altitude de 370 km. Avant l'approche
finale avec le FGB, le Node 1 sera sorti de la soute de la navette
à l'aide du bras manipulateur (robotic arm). L'amarrage
(docking) avec le FGB constituera une manoeuvre délicate
car l'astronaute qui manipulera le bras, en l'occurrence Nancy
Currie, n'aura aucune visibilité étant donné
que depuis le hublot de la navette, le FGB sera complètement
caché par le Node 1. Tout se fera donc à l'aide de
caméras de TV en circuit fermé à bord (Orbiter
Space Vision System) et à l'aide de systèmes
d'alignement optique déjà testés lors de
vols de navettes. Une fois l'amarrage réalisé,
trois sorties dans l'espace (EVA: Extravehicular Activity)
seront nécessaires pour réaliser le cablage
électrique et concernant les transmissions entre le Node 1
et le FGB (via le PMA-1), ainsi que divers travaux sur les autres
ports de connexion du Node 1.
Schéma du premier module de
connection "Node 1". (Document NASA)
Ces sorties dans l'espace seront
réalisées par deux des cinq membres (tous
américains) de l'équipage: Jerry Ross (un
vétéran en la matière, qui compte
déjà 23 heures de marche dans l'espace) et
Jim Newman (qui comptabilise 7 heures de marche dans l'espace).
Depuis le 23 juin 1997 le Node 1 (+ PMA 1 et 2) sont au Centre
Spatial de Kennedy pour intégration.
Le troisième vol pour l'assemblage de l'ISS est le vol 1R, prévu en décembre 1998. Il s'agira cette fois de délivrer en orbite un élément de fabrication entièrement russe: le Module de Service (SM). Cet élément de 19 T, dérivé du module principal de la station Mir, sera lancé par une fusée Proton. C'est un élément important de l'ISS car grace à ses quartiers de vie, c'est celui qui permettra de recevoir les premiers astronautes pour une habitation permanente. Il comprend en effet tous les systèmes de controle environnemental pour la survie des astronautes (ECLSS: Environmental Control & Life Support System), ainsi que tous les systèmes de fourniture d'énergie et de controle de vol et de propulsion. C'est grace à cet élément que la station pourra maintenir son attitude de vol et aura la possibilité de réajuster son orbite, du moins dans les premiers temps car certains de ces systèmes seront plus tard remplacés par des éléments américains.
Schéma de la structure de la station
spatiale après assemblage terminé. (Document NASA)
Le Module de Service restera dans le futur l'élément
structural et fonctionnel principal du segment russe de l'ISS.
Pour intégrer les autres éléments
déjà en orbite, le Module de Service se rapprochera
de l'ensemble FGB-Node 1 puis adoptera une attitude passive.
A 350 km d'altitude, l'amarrage avec le FGB, se fera de facon
automatique par le FGB-Node 1, controlé depuis le sol.
Le Module de Service, long de 13 m est composé de trois
compartiments principaux pressurisés (voir schéma):
un compartiment sphérique de transfert (rattaché au
FGB), un cylindre correspondant au compartiment de travail (au
centre) et une chambre cylindrique de transfert, laquelle est
entouré d'un compartiment non pressurisé comprenant
des équipements externes comme les réservoirs de
carburant, les systèmes de propulsion et les antennes pour
les communications. De grands panneaux solaires, donnant à
l'ensemble une envergure de 30 m sont fixés sur le
compartiment central. L'ensemble comporte encore 14 hublots (pour
admirer la Terre et l'espace, mais surtout pour surveiller les
futures activités d'amarrage) et 4 ports de connexion pour
d'autres modules, dont des vaisseaux automatiques de ravitaillement
Progress, des vaisseaux habités Soyouz et par exemple une
plate-forme scientifique russe d'ici juillet 2000.
Le Module de Service est actuellement en train de subir en
Russie des tests de vibration pour le lancement.
Vue d'artiste de la station spatiale
Internationale. (Document NASA)
Le dernier vol de 1998, le vol 2A.1 aura également lieu en décembre. Il s'agira d'une mission logistique et de ravitaillement par cargo qui sera assurée par une navette américaine. En fait ce vol n'était pas prévu à l'origine, il a été rajouté dans la séquence d'assemblage début 1997 afin d'alléger la charge des vols d'assemblage et pour disposer de plus de marge en cas de problèmes rencontrés lors des vols précédents.
En 1999, ce sont 8 vols qui sont prévus pour
assurer la continuité de l'assemblage de la station:
3A et 2R (en janvier), 4A et 5A (mai), 6A (juin), 7A (aout),
7A.1 (octobre) et 4R (décembre). C'est lors du vol 2R
que commencera l'habitation permanente de la station
avec une mission de 5 mois pour un équipage de 3
astronautes vétérans des vols spatiaux: William
Shepherd (USA), commandant de la mission, Youri Gidzenko (Russie)
et Sergei Krikalev (Russie). Les équipages pour les trois
missions suivantes sont également nommés. L'ISS
prendra donc le relais de la station Mir qui devrait etre
abandonnée courant 1999, après 14 ans de loyaux
services.
La fin de l'assemblage de la station internationale,
prévue pour 2002, nécessitera en tout 28 vols de
navettes américaines (dont 22 vols pour l'assemblage
proprement dit, les autres vols étant pour le transport
des équipages), et 41 vols russes (dont 10 pour l'assemblage,
10 pour du transport d'équipage et 21 pour des missions de
logistique et cargo pour du ravitaillement.
En l'état final, l'ISS représentera une structure
d'environ 90 m de long avec une envergure de 107 m et une masse de
470 T. Elle comprendra en fait 2 modules habitables, pouvant
héberger 7 astronautes en permanence (3 pendant la phase
d'assemblage), et 9 autres modules pressurisés: 7
modules-laboratoires et 2 modules logistiques. L'espace habitable
et de travail représentera au total un volume de 14000 m3,
soit l'équivalent de l'espace en cabine passager de 2
Boeings 747.
>Schéma du deuxième module de
connection "Node 2". (Document NASA)
L'ISS est le fruit d'une
collaboration de 15 nations: USA, Russie, Canada, Japon et 11
pays européens regroupés au sein de l'ESA
(European Space Agency): Allemagne, Angleterre, Belgique,
Danemark, Espagne, France, Italie, Norvège, Pays-Bas,
Suède, Suisse.
La participation européenne à ce projet
apparait principalement sous la forme du développement
du module laboratoire Colombus (Colombus Orbital Facility: COF),
l'utilisation du lanceur Ariane 5 pour délivrer des
charges et le possible développement d'un vaisseau de
sauvetage ou de transfert pour les astronautes (Crew Return
Vehicle: CRV ou Crew Tranfer Vehicle: CTV) dont nous
avons déjà parlé dans "l'Astronaute" No.2.
Cependant, ces derniers mois, la France, qui avait
initialisé le projet d'un CRV/CTV à l'ESA, est
en train d'opérer un virage à 180 degrés
à propos du développement de cet engin. La non
priorité affichée par notre gouvernement pour
les vols habités et son hostilité en particulier
envers l'ISS, officiellement pour des raisons budgétaires,
font que notre pays se retire du projet. La participation francaise
entrant à une hauteur de 39% dans ce dernier, ce retrait est
en train de compromettre sérieusement le programme
européen CRV/CTV, et par la meme occasion le programme
américain X-38 auquel il était lié (le X-38
étant un prototype de CRV; voir "l'Astronaute" No.2.)
Quoi qu'il en soit, meme si certains partenaires ont une
politique encore incertaine et si certains revirements de situation
sont possibles, la station spatiale internationale est bel est bien
en route pour la proche banlieue Terrestre, et s'apprete à
jouer un role important dans l'aventure spatiale.
Bien entendu, dans les prochains numéros de "l'Astronaute", nous aurons l'occasion de revenir largement sur la phase d'assemblage, ainsi que sur de nombreux autres aspects de la station: son role et ses fonctions, la collaboration internationale, les transports, etc.
Revenir aux résumés
de l'AstronauteRevenir à la page
de garde A25